Grand format : Médiatisation du sport féminin en France, un casse-tête en cours de résolution

Thomas Bernier
15 min readMar 30, 2019

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Grâce aux performances de l’Equipe de France féminine de handball, le sport féminin en France progresse médiatiquement © Fédération Française de Handball

En comparaison avec les hommes, les sportives sont moins mises en avant à la télévision ou dans nos journaux. Cette hégémonie médiatique du sport masculin règne sans partage dans nos médias. Sans partage ou presque. Depuis maintenant quelques années, même si la parité est loin d’être acquise, le sport féminin devient de plus en plus médiatisé. Explications.

Ce n’est un secret pour personne, le sport féminin est beaucoup moins médiatisé que son homologue masculin. Seules de rares grandes championnes, comme Laure Manaudou, Laura Flessel ou Amélie Mauresmo, ont eu la chance de faire la Une des journaux. Des sports pourtant très populaires comme le football, le basketball ou le rugby, semblent eux boudés par les médias. Les raisons ? Le sport féminin serait de moins bonne qualité ? Moins spectaculaire ? Même s’il est vrai que la professionnalisation dans le sport féminin est assez récente, le niveau global a considérablement augmenté ces dernières années et n’a plus à pâlir de ce genre de remarque.

Un autre argument consiste à dire que le sport féminin est moins vendeur, qu’il intéresse moins le public. C’est en partie vrai, à titre d’exemple la finale dames de l’édition 2018 de Roland Garros a enregistré 2 millions téléspectateurs en moyenne, contre 3,8 millions pour la finale messieurs. Néanmoins, le public devient de plus en plus demandeur de ce type de contenu. Pour preuve, selon un sondage réalisé par RTL en février 2019, 63% des Français disent regarder du sport féminin à la télévision et 78% souhaitent en voir plus.

Un engouement de plus en plus fort

De belles performances françaises dans de grands événements internationaux suscitent d’autant plus d’intérêt. Dernièrement, le sacre européen des handballeuses, en direct sur TF1, a rassemblé en moyenne 5,5 millions de téléspectateurs. Preuve de cet engouement, les billets pour les demi-finales et la finale de la future coupe du monde de football féminine en France, sont tous réservés depuis plusieurs semaines. Un succès des bleues, favorites pour la victoire finale, ne ferait qu’améliorer cette tendance.

L’Equipe de France féminine de handball a remporté son premier titre européen en 2018 © L’Equipe.fr

Même si cette différence de traitement est encore bien réelle, on remarque, depuis quelques années, de significatives améliorations. Dans son rapport sur la diffusion de la pratique féminine sportive à la télévision de septembre 2017, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) souligne l’augmentation du poids des retransmissions sportives féminines. Depuis 2012, le volume horaire total de diffusion de retransmissions sportives à la télévision a connu un essor considérable de plus de 10%, passant de 7% au début de l’étude à entre 16 et 20% en 2016. Reste que 80% du temps d’antenne continue d’être accordé aux hommes, alors qu’aujourd’hui la part de femmes ayant une pratique sportive régulière est quasiment égale celle de leurs homologues masculins. Ce n’est d’ailleurs pas le seul angle d’amélioration.

Il existe aujourd’hui encore, un important déséquilibre de la présence des femmes dans les programmes sportifs. Ainsi, le taux de femmes journalistes et/ou chroniqueuses des émissions de plateaux est seulement de 13%. On se retrouve donc la plupart du temps avec des hommes qui parlent de sport le plus souvent masculin. La parité semble donc encore loin. Mais qu’en est-il de notre situation ici à Metz ? Nous sommes allés à la rencontre des acteurs locaux.

Arnaud Demmerlé : “J’essaie de faire en sorte qu’on retrouve autant de visages féminins que de visages masculins dans les pages de La Semaine.”

L’hebdomadaire La Semaine © La Semaine

Journaliste responsable des sports à l’hebdomadaire La Semaine, Arnaud Demmerlé évoque son traitement local du sport féminin.

Traitez-vous régulièrement du sport féminin ?

D’une manière générale, oui. Je traite toutes les semaines de Metz Handball. C’est aujourd’hui, avec le FC Metz, l’une des deux locomotives du sport d’une manière générale à Metz. C’est pour moi un incontournable. Il s’agit sûrement de la meilleure d’Europe. D’autant plus que le handball féminin français a aujourd’hui presque supplanté le handball masculin, en remportant le titre mondial puis le championnat d’Europe. Je suis d’autant plus assidûment l’équipe, car cette saison il s’agit presque de l’année ou jamais pour triompher en ligue des champions.

Au-delà du Metz Handball, quelles autres équipes ou sportives féminines couvrez-vous ?

Forcément Metz Handball est la priorité, mais il y a aussi d’autres sports et d’autres événements. Je pense au tournoi de tennis de Moulins-Lès-Metz, qui même s’il est de seconde catégorie, accueille tous les ans des joueuses de renom comme Pauline Parmentier ou Francesca Schiavone, lauréate de Roland-Garros en 2010. Il y a le volley féminin avec le Terville Florange Olympique, qui, à moins d’un cataclysme, va monter en première division. Et à côté de ça, on a aussi la chance d’avoir des athlètes mosellanes extraordinaires comme la nageuse Aurélie Muller ou la jeune triathlète Jeanne Lehair.

Quelle place pour le sport féminin par rapport à l’hégémonie médiatique du sport masculin ? Une différence de traitement ?

Le sport féminin prend aujourd’hui une importance particulière même si, malheureusement, le traitement n’est pas encore le même que pour les hommes. Par exemple, le titre mondial de l’équipe féminine de handball, n’a pas fait autant de bruit que les exploits des « Experts ». Il n’y a qu’à Metz, avec l’hégémonie des « Dragonnes », que ce rapport est renversé. Personnellement, j’essaie qu’on retrouve autant de visages féminins que masculins dans les pages de La Semaine.

“Je dirais que les hommes occupent 65% de mes articles, contre 35% pour les femmes.”

Mais, il faut le reconnaître, il y a toujours une différence de traitement. Je dirais que les hommes occupent 65% de mes articles, contre 35% pour les femmes. Rien que pour le foot, on parle chaque semaine de l’équipe masculine du FC Metz, alors que seulement 5 à 6 fois dans l’année pour la section féminine.

Les lecteurs sont-ils demandeurs de ce type de contenus ?

Sans doute, mais à La Semaine, nos lecteurs attendent à chaque numéro les feuilletons que sont le FC Metz et le Metz Handball. C’est notre ligne éditoriale de mettre ces deux locomotives en avant. C’est donc parfois un peu compliqué de sortir des sentiers battus.

Avez-vous déjà eu des retours négatifs sur l’un ou plusieurs de vos articles, de la part d’une sportive ?

Non. J’ai déjà eu quelques problèmes avec une handballeuse, mais ce n’était pas par rapport à une remarque sexiste que j’aurais pu faire. À l’époque, j’avais été très critique avec elle, notamment vis-à-vis de son comportement. Avec du recul, il faut reconnaître que ce n’était pas justifié. Par la suite, je me suis excusé. Sinon d’une manière générale, le président du Metz Handball est plutôt satisfait du traitement médiatique de son équipe dans La Semaine. Il faut dire que chaque semaine elles ont droit à un article équivalent à celui du FC Metz, mais comme dit précédemment, c’est plus dû à la notoriété des « Dragonnes », qu’à la volonté de mettre en avant le sport féminin.

Marine Marck : “La prochaine étape pour les équipes féminines, c’est de pouvoir elles aussi entrer dans les foyers français. ”

Marine Marck, journaliste et présentatrice sur la chaîne RMC Sport © RMC Sport

Originaire de Grosbliederstroff en Moselle, Marine Marck est journaliste pour RMC Sport depuis janvier 2019. Fidèle défenseure du sport féminin sur les réseaux sociaux, elle a répondu à nos questions.

En tant que journaliste sportive, pensez-vous que les femmes sportives sont moins mises en lumière que les hommes sportifs au sein des médias ?

Je ne le pense pas — c’est un fait. Il suffit de regarder n’importe quel magazine sportif sur n’importe quelle chaîne pour se rendre compte que le temps d’antenne accordé au sport « féminin » et aux sportives est très inférieur à celui accordé à leurs homologues masculins. Prenez l’Équipe (il ne s’agit pas de les clouer au pilori, c’est juste le seul exemple disponible…) : combien de femmes ont eu l’honneur de faire la Une en 2018 ? Les faits sont là : en télévision, le sport dit féminin représente 15 à 18% du volume horaire consacré aux retransmissions et diffusion sportives. 5 à 6 fois moins d’exposition pour les femmes que pour les hommes.

À quoi est dû cette sous-exposition selon vous ?

Revue Olympique, numéro 109, juillet 1912 : “Nous estimons que les Jeux Olympiques doivent être réservés aux hommes. (…) Quelles que soient les ambitions athlétiques féminines, elles ne peuvent se hausser à la prétention de l’emporter sur les hommes en courses à pied, en escrime, en équitation. (…) Une petite Olympiade femelle à côté de la grande Olympiade mâle. Où serait l’intérêt ? (…) Impratique, inintéressante, inesthétique, et nous ne craignons pas d’ajouter : incorrecte, telle serait à notre avis cette demi-Olympiade féminine.” Il y a encore un siècle, les femmes pratiquant un sport étaient mal vues, voire vilipendées, et certains lieux de pratique leur étaient interdits. Alors évidemment, les mentalités ont évolué et la science et la vérité sont passées par là. Mais il n’empêche que les femmes ont un train de retard, qui leur a été imposé, et qu’elles ont dû se battre pour sauter dans certains wagons. Le sport est un reflet de la société, dont la féminisation est elle-même encore lente et relative.

De plus en plus d’équipes féminines dans les sports collectifs se créent depuis plusieurs années. Mais là encore, on a le sentiment que les moyens financiers sont assez disparates. Partagez-vous ce constat ?

Difficile de ne pas partager ce constat puisqu’il est étayé par des faits. Prenez deux minutes pour comparer les budgets des Olympique Lyonnais — masculin et féminin. L’une de ces deux équipes vient de remporter trois fois la Ligue des Champions consécutivement et spoiler, ça n’est pas celle des garçons. Et en plus, c’est presque un peu injuste de ma part de prendre cet exemple parce que l’OL et Jean-Michel Aulas ont été des pionniers et ont énormément investi pour créer et emmener la section féminine vers l’excellence et la réussite. Mais il est certain que les équipes féminines doivent aujourd’hui se construire sans disposer des moyens de leurs homologues masculins. Peu de moyens, donc peu de retours sur investissement, donc peu d’investissement, donc peu de médiatisation, donc peu de spectateurs, donc peu de profits, donc peu de redistribution. Il faut aujourd’hui que le monde sportif et les collectivités territoriales prennent leurs responsabilités pour doter les équipes féminines et les sportives féminines de haut niveau de moyens financiers et structurels viables pour leur permettre de s’épanouir.

En revanche, les audiences progressent d’année en année. Des compétitions féminines sont créées, je pense notamment au cyclisme. Certains sponsors préfèrent investir davantage dans le sport féminin que masculin. Sommes-nous dans une période d’ultra-développement ?

Je n’emploierais pas le terme d’ultra-développement parce que je pense que le chemin à parcourir reste encore long et le gap à combler très important en comparaison avec les moyens financiers alloués aux compétitions masculines. Néanmoins, à défaut d’ultra-développement, je dirais que nous sommes entrés dans une période de prise de conscience : de la part des marques, des sponsors, des diffuseurs, des fédérations, des organisations internationales… Conscience de nouveaux marchés potentiels — professionnalisation de la pratique féminine, augmentation de la demande de diffusions (qu’elle émane d’hommes ou de femmes), qui disposent de surcroît d’une marge de progression exponentielle. De plus, j’ai le sentiment que la réussite sportive féminine dispose d’une image très positive, porteuse de valeurs très fortes. Et de ce point de vue, je comprends le positionnement de certaines marques, équipementiers, sponsors, d’investir et de miser sur des visages féminins pour porter leurs campagnes et leurs événements. Il suffit de voir la manière dont le sport dit féminin est « vendu » aujourd’hui.

La publicité de Nike portée par Serena Williams et dévoilée lors des Oscars © Nike

Je pense spontanément à la dernière pub Nike, dévoilée lors des Oscars aux Etats-Unis, portée par Serena Williams. Bien évidemment que l’objectif final reste la vente de produits. Mais c’est l’une des rares fois où en tant que femme je me suis sentie touchée, valorisée par une publicité, même par procuration. Malgré tout le recul que je peux avoir sur les méthodes de marketing, cette publicité a fait naître des émotions positives en moi. C’est une période de développement car il y a une demande, et de cette demande peuvent découler des profits potentiels. Mais c’est tout le mal que l’on souhaite aux femmes dans le sport : bénéficier de plus d’exposition et de plus de retombées financières !

L’équipe de France féminine n’a jamais été aussi forte qu’aujourd’hui. Pourtant, on n’a pas forcément l’impression qu’elles aient une énorme médiatisation par rapport à leurs homologues masculins. Laura Glauser me confiait que tout cela est lié à l’éducation de la société. Les garçons suscitent plus de regards que les filles. Quel regard portez-vous à ce sujet ?

On en revient à ce que je disais auparavant. On ne peut pas connaître ce que l’on ne voit pas. On ne peut pas s’intéresser à ce qu’on ne nous laisse pas l’opportunité de découvrir. On ne peut pas créer de sentiment d’appartenance une fois tous les quatre ans. Il faut rattraper le retard. Je crois que ce qu’il manquait aux femmes jusqu’à récemment, c’était la chance de toucher le grand public avec régularité. Certes, il y a eu plus de 19 millions de téléspectateurs français le 15 juillet dernier pour voir l’Équipe de France masculine soulever la Coupe du monde. Mais il y en avait encore plus de 6 millions vendredi dernier devant leur télé pour suivre le match contre la Moldavie.

“La diffusion du sport féminin doit devenir une banalité.”

Cette équipe, depuis des décennies, est entrée dans les foyers des Français, quels que soient les joueurs qui la composent ou ses résultats sportifs. Avec plus ou moins de suivi, plus ou moins de réussite, mais elle a créé un rendez-vous — même parmi ceux qui n’ont pas forcément une grande appétence pour la Ligue 1 par exemple. A mon sens, la prochaine étape pour les équipes féminines, c’est de pouvoir entrer elles aussi dans les foyers. Que la diffusion soit une « banalité ». France Télévisions par exemple accomplit de très belles choses en ce sens en diffusant désormais tous les matches du Tournoi des 6 Nations Féminins sur ses antennes.

En juin prochain, pour la première fois de son histoire, la Coupe du monde féminine de football aura lieu en France et sera diffusée sur TF1. Pour vous, cette Coupe du monde va-t-elle susciter un intérêt chez les Français ?

J’en suis intimement persuadée. D’une, parce qu’elle va bénéficier des retombées positives du titre chez les hommes. De deux, parce que le football dispose d’une diffusion féminine d’envergure cette année, avec la diffusion — en intégralité — du championnat de France D1 sur les chaînes du groupe Canal +. Une énorme avancée, avec un match au sommet PSG-OL qui a réuni plus d’un million de téléspectateurs en moyenne — sur une chaîne câblée ! Il y a 8 ans déjà, la Coupe du monde féminine avait suscité un engouement en France, en témoignent les belles audiences réalisées notamment sur la TNT. L’histoire et la logique veulent que ces audiences soient encore en augmentation cette année.

La Coupe du monde féminine en France sera l’un des événements sportifs les plus attendus de l’année 2019 © Fédération Française de Football

Les Français ont aussi tendance à aimer les compétitions qui se déroulent à la maison. Le match d’ouverture France-Corée du Sud du 7 juin a été complet très rapidement, et les demi-finales et finale qui se dérouleront au Parc OL — région sensibilisée à la pratique féminine s’il en est — sont déjà sold out aussi. Arrêtons de dire et de faire croire que le sport dit féminin est moins attractif. Rappelons que plus de 5 millions de personnes ont assisté au sacre européen des Bleues du handball en décembre dernier. Avec un pic à plus de 8 millions de téléspectateurs en fin de match… Je parlais de rendez-vous dans la question précédente… Les Français sont au rendez-vous quand ils existent. Pourquoi ne pas leur en proposer plus ?

“Les demi-finales et la finale de la Coupe du monde féminine qui se dérouleront au Parc OL sont déjà sold out.”

Cet événement peut-il être un tournant dans la médiatisation du sport féminin ?

Très clairement. Une diffusion sur les chaînes du groupe TF1 va permettre de toucher un public large, qui ne se serait traditionnellement peut-être pas déplacé jusque sur les chaînes de la TNT. Ce genre d’événements est d’autant plus important qu’il est prouvé qu’ils peuvent être déclencheurs de cercles vertueux — de surcroît chez les femmes car la marge de progression est plus considérable. Selon le CSA, l’augmentation des diffusions sportives féminines (de 7% en 2012, à 14% en 2014, à environ 19% aujourd’hui) s’est accompagnée d’une augmentation des licences sportives acquises par des femmes : elles ont progressé de 20% entre 2007 et 2015 (contre 10% chez les hommes).

La Fédération Française de Football (FFF) a quasiment doublé son nombre de licenciées (+90%). Les résultats comme leur médiatisation croissante ont clairement eu un effet sur la pratique féminine. Or, ces jeunes filles qui jouent au foot, elles veulent aussi voir d’autres filles jouer au foot. Elles veulent pouvoir s’identifier, à Paul Pogba comme à Amandine Henry. Ce sont des filles qui seront peut-être un jour amenées à prendre des responsabilités au sein de leurs clubs respectifs, ou à rejoindre les gouvernances sportives où l’absence de représentation féminine se fait encore cruellement ressentir.

Laura Glauser : “On essaye de faire le maximum sur le terrain pour que notre médiatisation évolue.”

Laura Glauser, gardienne des Dragonnes de Metz (© Thomas Bernier)

Récente championne d’Europe avec l’Equipe de France féminine de handball, Laura Glauser, gardienne du club de Metz s’est confiée sur la question de la médiatisation du sport féminin.

Le palmarès de Laura Glauser © Vincent Poulain

Moselle Sport Académie, armure de protection du sport mosellan

Le fonds de dotation Moselle Sport Académie (© Moselle Sport Académie)

Depuis maintenant 2012, le fonds de dotation Moselle Sport Académie accompagne les sportifs et sportives de haut niveau dans leurs parcours comme Jeanne Lehair. Coup de projecteur sur un dispositif innovant et essentiel.

“Grâce à la Moselle Sport Académie, je reçois l’aide financière du département qui m’est indispensable pour la pratique de mon sport ou pour me déplacer en compétition.” Originaire de Metz, la triathlète Jeanne Lehair est l’une des figures de proue du dispositif Moselle Sport Académie, initié par le département de la Moselle il y a maintenant 7 ans. Objectif, conférer un statut social plus sécuritaire pour le sportif de haut niveau dans l’optique notamment des Jeux Olympiques de Paris en 2024.

Comme la nageuse en eau libre Aurélie Muller avant elle, Jeanne Lehair a souhaité se tourner vers la Moselle Sport Académie pour se professionnaliser à court terme : “Nous devons maintenant trouver les fonds nécessaires pour permettre à mon club (Metz Triathlon) de me salarier en tant que sportive professionnelle” nous explique-t-elle. À 23 ans, la Messine veut jouer les premiers rôles à Tokyo dans une discipline qui, en France, ne possède pas un éclat important. Preuve en est, le triathlon n’a jamais obtenu une médaille olympique depuis sa première apparition à Sydney en 2000. “La fédération française de triathlon, en comparaison avec d’autres fédérations, a des moyens financiers relativement faibles. Tant que la France n’aura pas remporté une médaille, cela ne devrait pas évoluer.”

Le palmarès de Jeanne Lehair © Vincent Poulain

En parallèle du triathlon, Jeanne Lehair souhaite également poursuivre ses études dans le journalisme, c’est là que le dispositif Moselle Sport Académie a toute son importance : “Nous souhaitons sécuriser le parcours du sportif de haut niveau à la fois dans la formation, puis par la suite, dans sa reconversion”, confirme Philippe Gonigam son directeur. Un double projet sécurisant pour l’athlète, dont la précarité est la principale angoisse. “Cette année, la fédération m’a pris en charge un stage de deux semaines au Portugal et elle me prendra aussi en charge une coupe d’Europe toujours au Portugal. Pour le reste, c’est de ma poche, d’où nécessité de trouver des partenaires privés en plus du département et de la Moselle Sport Académie car le budget grimpe vite”, précise Jeanne.

Le triathlon, une discipline peu attractive visuellement

Face à cet obstacle, sa discipline n’est pas non plus d’un grand secours. La longueur des épreuves, problématique majeure du triathlon et l’exposition médiatisation relativement faible, sont des freins à sa reconnaissance : “Une personne qui découvre ce sport à la télévision aura du mal à rester deux heures devant son écran. C’est pourquoi la fédération internationale a complètement repensé le triathlon en créant des nouveaux formats, telles que des courses à élimination ou au point. On espère voir une évolution et des gens s’y intéresser.” Si c’était le cas, Jeanne Lehair pourrait alors bénéficier, en plus de ses aides financières générées par la Moselle Sport Académie, d’une visibilité médiatique de premier plan. Peut-être à Tokyo ?

Une enquête de Vincent Poulain et de Thomas Bernier réalisée dans le cadre du Master Journalisme et Médias Numériques de Metz.

Remerciements : Laura Glauser (Metz Handball), Jeanne Lehair (triathlète), Marine Marck (journaliste RMC Sport), Philippe Gonigam (directeur Moselle Sport Académie), Arnaud Demmerlé (journaliste La Semaine et Mirabelle TV)

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